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Et soudain, ta peau

 Il nous a fallu mettre du vrai, c'était inévitable, c'était ça ou en crever. C'était ça ou devenir fous, on l'était déjà trop, c'était ça ou en souffrir.

Je suis allée vers toi comme on va vers l'amour, tremblante, morte de peur, si sûre aussi, il n'y a pas d'autre choix, pas d'autre possible, l'éventail se referme, il va falloir qu'on s'appartienne, qu'on se confronte, qu'on se confonde, il va falloir qu'on se retrouve, mon amour, faisons-le, c'est de la folie, oui mais cette folie, elle est douce et je m'en nourris, j'ai besoin de toi, de te sentir, de te toucher, j'arrive à la limite des mots, ils ne suffisent plus, il me faut ta peau, "viens", m'as-tu dit, et je suis arrivée, il n'y avait pas d'autre choix.

On s'est offert une parenthèse comme seuls deux amoureux des mots savent le faire, il y avait tout à l'intérieur, tout l'important, toute la saveur, on s'est offert une parenthèse qui change le sens, la donne, le cours de l'histoire, le regard sur la vie, l'équilibre du dedans, la balance, les limites, on s'est offert une parenthèse qui ne s'est pas totalement refermée, parce que je suis encore un peu là-bas, parce que tu es un peu rentré avec moi.

Il nous a fallu mettre du vrai, des mains des doigts des langues des sexes des odeurs là où n'existaient que le désir abstrait, la rêverie, les peut-être et les pourquoi pas, là où n'existaient que l'envie et l'image de l'autre, c'est trop peu une image, trop léger et trop fugace, trop incertain aussi, il nous fallait savoir, il nous fallait la certitude, l'évidence, la confirmation, la bulle de bonheur aussi, il nous fallait nous regarder nous sentir nous toucher nous goûter, il n'était plus possible de faire autrement, il me fallait toi, il te fallait moi, il nous fallait voir, il nous fallait savoir.

Que faire, maintenant, des souvenirs qu'on a créés à quatre mains, ils ne nous appartiennent déjà plus, ils existent en eux-mêmes, pour eux-mêmes, ils se sont installés dans un espace-temps surréaliste, dans un ailleurs qui nous échappe un peu, ils nous laissent, parfois, les visiter, nous y promener, nous y réfugier, ils nous invitent, parfois, à nous y reposer, à nous y retrouver, ils sont déjà tout ce qu'on a, mais est-ce vraiment assez ?

Que faire, mon amour, de mes envies d'encore, de mes envies de toi, de nous, de ce qui brûle, de ce qui éblouit, de l'absolue certitude, de l'indéfinissable, de tout ce que je ne sais pas te dire, il faudrait inventer les mots, les sons, les images, que faire, mon amour, de ce que tu es pour moi, en moi, avec moi, que faire de ma peau qui garde en elle tout ce que tu as su parsemer, éveiller, inventer, que faire de la tienne qui me manque déjà, qui est devenue tout, déjà, que je voudrais voir encore fondre sous mes doigts, que faire, mon amour, de nous, de toi si loin, de moi si seule, de toi et moi ?

Je savais que tu savais me faire rougir, je ne savais quasiment que ça, que faire de tout ce que je sais aujourd'hui, maintenant qu'il y a eu ta peau, maintenant qu'elle ne s'en ira pas.

© Iz – août 2020

Billet sélectionné le 16/09 pour le prochain #DimancheNostalgie
Etat d'esprit : j'ai écrit cet article quelques jours après ma toute première rencontre avec Pierrick — pour ceux qui l'ignorent, nous nous sommes connus sur Twitter et nous sommes vus "en vrai" environ 15 jours après. J'étais rentrée à Paris convaincue que cette rencontre était LA rencontre. Quelques jours plus tard, j'apprenais qu'on avait fabriqué un bébé pendant cette parenthèse. Encore quelques jours après, nous décidions de bouleverser nos vies pour pouvoir les vivre ensemble. C'est incroyable de relire ce texte aujourd'hui. Tout est déjà là.

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